Profession vétérinaire : scénario de rupture ou évolution majeure de l'exercice professionnel ?

Les vétérinaires sont à la croisée des chemins d'un exercice devenant principalement et majoritairement dédié aux animaux de compagnie, de sport et de loisir - août 2019.

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Il est des moments charnières dans la vie d'une profession ou chacun pressent venir un changement de paradigme, l'enclenchement d'un scénario de rupture ou plus simplement une évolution majeure de l'exercice professionnel. Le corps professionnel vétérinaire n'échappe pas à la règle.

L'abandon de la traction animale, la rationalisation d'une agriculture nourricière de la Nation, le développement de la médecine et de la chirurgie des animaux de compagnie, désormais des nouveaux animaux de compagnie, les nouvelles technologies ou les enjeux liés au bien-être des animaux, sont autant d'exemples qui jalonnent l'histoire du corps professionnel vétérinaire.

Aujourd'hui, les vétérinaires sont à la croisée des chemins d'un exercice devenant principalement et majoritairement dédié aux animaux de compagnie, de sport et de loisir. Cet exercice est prioritairement organisé autour des grandes agglomérations urbaines et péri-urbaines, parfois dans des zones rurales proches, au détriment des territoires ruraux plus éloignés.

La " diagonale du vide ", " l'hyper-ruralité " deviennent des termes tendances, ultimes pour qualifier les zones de grande fragilité qu'elles soient des déserts médicaux, des déserts vétérinaires, des déserts numériques... Bref, leur point commun est d'être avant tout et tout simplement des déserts.

Les historiens de la profession vétérinaire retiendront-ils le symbole de la petite commune de Couiza, située au cœur de la Haute Vallée de l'Aude en Occitanie, comme étant le premier désert vétérinaire officiellement reconnu. Je le crains !

Ce qui se joue actuellement dans le département de l'Aude, dans un petit village français de l'hyper-ruralité, est emblématique des enjeux auxquels ces territoires doivent faire face pour demeurer attractif : le départ du vétérinaire, parce que le modèle économique de son activité est structurellement déficitaire, et par voie de conséquence le départ également de son conjoint médecin généraliste, sont un traumatisme, un aveu d'échec.

La feuille de route relative " au maillage vétérinaire dans les territoires " voulue et soutenue par le Ministre de l'agriculture et de l'alimentation est une initiative cruciale qu'il convient certes de saluer et d'aider, mais dont les progrès depuis le printemps 2016 sont trop lents pour enrayer l'inexorable délitement de la présence des vétérinaires soignant les animaux d'élevage dans les bassins de vie en zone rurale.

Il est d'évidence trop tard pour la commune de Couiza, le mal est fait.

En revanche, il demeure de la responsabilité des élus de la Nation, des élus des collectivités territoriales, de l'Etat, en concertation avec les organisations professionnelles agricoles et vétérinaires de proposer, maintenant très rapidement, des solutions pragmatiques, efficaces, pas forcément calquées sur les dispositions applicables à la médecine humaine mais adaptées aux typologies des bassins de vie et aux particularités des animaux que les vétérinaires soignent.

A défaut de quoi, le corps professionnel vétérinaire saura s'adapter en opérant un reflux majeur et irrémédiable de l'exercice auprès des animaux d'élevage pour se laisser aspirer inexorablement par les activités liées aux animaux de compagnie, de sport ou de loisir, marché dont la dynamique incontestablement soutenue restera forte pour la décennie à venir.