Libre circulation des personnes et des services
Résumé
La profession vétérinaire relève de la directive "services" et de celle sur la reconnaissance des qualifications professionnelles.
Ainsi, un vétérinaire ressortissant d'un Etat-membre de l'Union européenne peut effectuer des soins vétérinaires dans un autre Etat-membre , de façon temporaire et occasionnelle (Principe de "libre prestation de service" ), voire s'y établir définitivement, de façon durable (principe de liberté d'établissement) dans le but d'y exercer son activité.
Le vétérinaire ressortissant d'un autre Etat-membre souhaitant effectuer des soins vétérinaires en France doit au préalable adresser une déclaration obligatoire au conseil régional de l'ordre situé au lieu d'exercice des prestations.
L'établissement définitif d'un vétérinaire ressortissant d'un autre Etat-membre en France est subordonné à l'inscription au tableau de l'Ordre.
La loi, française et européenne, a mis en place un système d'échange d'informations entre autorités compétentes des Etats-membres pour les besoins de l'exercice de la libre prestation de services et de la liberté d'établissement.
Historique
L'art. 3 (pt.3) du Traité sur l'UE (TUE) crée le "marché intérieur" de l'UE.
Le marché intérieur de l'UE est fondé sur quatre libertés fondamentales :
- libre circulation des biens/marchandises ;
- libre circulation des personnes, ayant pour corollaire la libre circulation des travailleurs salariés, la liberté d'établissement et la libre prestation de services;
- libre circulation des services ;
- libre circulation des capitaux.
Historiquement, la profession vétérinaire bénéficie depuis 1978 de deux textes encadrant la reconnaissance mutuelle des diplômes de vétérinaires : la directive 2005/36/CE du 7 sept. 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles, modifiée en dernier lieu en novembre 2013.
Libre prestation de services
1. Droit de l'UE
- Interdiction des restrictions à la libre prestation de services
Traite sur le fonctionnement de l'UE (TUE) : art. 56
- Services concernés (dont les soins vétérinaires)
Directive 2006/123 du 12 déc. 2006 relative aux services dans le marché intérieur (transposée en droit français) (cadre juridique pour assurer la libre circulation des services entre les États membres) : les services couverts par la directive concernent une grande variété d'activités, y compris les services aux consommateurs (considérant n°33) ; y sont exclus les services d'intérêt général, les services financiers, les services de transports, les soins de santé, les services audiovisuels, les activités de jeux d'argent, les services sociaux. Le considérant n°77 définit la notion de prestation de service : si le prestataire n'est pas établi dans l'État membre dans lequel il fournit le service concerné, son activité devrait relever de la libre circulation des services.
- Libre prestation de services (principe, notion, dispenses, déclaration préalable)
Directive 2005/36/CE du 7 sept. 2005 modifiée relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles (titre II "Libre prestation de services") (transposée en droit français)
2. Code rural et de la pêche maritime
- Principe de libre prestation de services, applicable aux vétérinaires et aux sociétés de vétérinaires - caractère temporaire et occasionnel de la prestation
- Déclaration préalable à la prestation de services (LPS) - destinataire, contenu
- Prestataire de service soumis à la juridiction disciplinaire du conseil régional de l'ordre des vétérinaires du lieu d'exécution de la prestation
3. Droit international
- Libre prestation de service - vétérinaires- France/suisse - convention
Convention entre la Suisse et la France concernant l'admission réciproque des médecins, chirurgiens, accoucheurs, sages-femmes et vétérinaires domiciliés à proximité de la frontière, à l'exercice de leur art dans les communes limitrophes des deux pays, 29 mai 1889
Liberté d’établissement
1. Code rural et de la pêche maritime
- Liberté d'établissement - exercice durable en France - enregistrement du diplôme - demande d'inscription au tableau de l'Ordre
2. Droit de l'UE
- Liberté d'établissement - notion, interdiction des restrictions
Traité sur le fonctionnement de l'UE (art. 49) "(...) Les restrictions à la liberté d'établissement des ressortissants d'un État membre dans le territoire d'un autre État membre sont interdites. Cette interdiction s'étend également aux restrictions à la création d'agences, de succursales ou de filiales, par les ressortissants d'un État membre établis sur le territoire d'un État membre. La liberté d'établissement comporte l'accès aux activités non salariées et leur exercice, ainsi que la constitution et la gestion d'entreprises (...) dans les conditions définies par la législation du pays d'établissement pour ses propres ressortissants (...)"
Directive 2006/123 du 12 déc. 2006 relative aux services dans le marché intérieur (transposée en droit français) le considérant n°77 définit la notion d'établissement : si le prestataire est établi dans l'État membre dans lequel il fournit le service concerné, il devrait rentrer dans le champ d'application de la liberté d'établissement.
- Liberté d'établissement - conditions et règles de mise en oeuvre de la reconnaissance des qualifications professionnelles dans le cadre de l'exercice de cette liberté
Directive 2005/36/CE du 7 sept. 2005 modifiée relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles (titre III "Liberté d'établissement") (transposée en droit français)
3. Jurisprudence européenne
- Distinction entre la liberté d'établissement et la libre prestation de services (jurisprudence codifiée par le considérant n°77 de la directive sur les services)
CJUE, 30 novembre 1995, C 55/94, Gebhard : relève des dispositions relatives au droit d'établissement "un ressortissant d'un Etat membre qui, de façon stable et continue, exerce une activité professionnelle dans un autre Etat membre où, à partir d'un domicile professionnel, il s'adresse entre autres aux ressortissants de cet Etat". Cependant, la Cour précise que le caractère temporaire des activités, à apprécier en fonction de la durée de la prestation, de la fréquence, de la périodicité ou de la continuité, n'exclue pas la possibilité pour le prestataire de services de se doter, dans l'Etat membre d'accueil, d'une certaine infrastructure dans la mesure où cette infrastructure est nécessaire aux fins de l'accomplissement de la prestation en cause. Elle rappelle que l'accès à certaines activités non salariées et leur exercice peuvent être subordonnés au respect de certaines dispositions législatives, réglementaires ou administratives, justifiées par l'intérêt général auxquelles le ressortissant d'un autre Etat membre doit se conformer pour exercer son activité. Ces dispositions nationales susceptibles d'entraver les libertés de circulation garanties par le traité de Rome doivent remplir les quatre conditions cumulatives suivantes pour être justifiées (le "test Gebhard" ou test de proportionnalité qui guide le raisonnement de la Commission européenne et de la Cour): s'appliquer de manière non discriminatoire ; se justifier par des raisons impérieuses d'intérêt général ; être propres à garantir la réalisation de l'objectif qu'elles poursuivent ; ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour l'atteindre.
Considérant n°77 de la directive 2006/123 du Parlement européen et du Conseil du 12 déc. 2006 relative aux services dans le marché intérieur
- Caractère temporaire d'une prestation de services
CJUE, 7 mars 2002, C-145/99, Commission/Italie : le caractère temporaire d'une prestation de service n'exclut pas la possibilité pour le prestataire de services de se doter dans l'Etat membre d'accueil d'une infrastructure dans la mesure où celle-ci est nécessaire pour l'accomplissement de la prestation.
- Libertés de prestation, liberté d'établissement : application des règles déontologiques de l'Etat membre d'accueil
CJUE, 3 décembre 1974, C-33/74, van Binsbergen : l'exigence imposée à un prestataire de service par la législation d'un Etat membre d'accueil d'une résidence permanente est contraire à la libre prestation de services garantie par le traité. La Cour a, cependant, admis la possibilité pour un Etat membre "d'imposer au prestataire des exigences spécifiques, qui seraient motivées par l'application de règles professionnelles justifiées par l'intérêt général , notamment les règles d'organisation, de qualification, de déontologie, de contrôle et de responsabilité, incombant à toute personne établie sur le territoire de l'Etat où la prestation est fournie, dans la mesure où le prestataire échapperait à l'emprise de ces règles en raison de la circonstance qu'il est établi dans un autre Etat membre."
- Liberté d'établissement : obligation d'adhérer à un ordre professionnel
CJUE, 3 février 2011, C-359/09, Donat Cornelius Ebert : Un Etat membre peut imposer l'obligation d'être membre d'une entité telle qu'un ordre professionnel pour pouvoir exercer une profession dans le cadre de la liberté d'établissement sur son territoire. Cette obligation peut être justifiée "par l'intérêt général telles que des règles d'organisation, de déontologie, de contrôle et de responsabilité".
- Libre prestation de services médicaux - adhésion à une organisation/organisme professionnel(le)
CJUE, 12 septembre 2013, C‑475/11, Konstantinides (interprétation de l'art.6 sous a) de la directive 2005/36 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles) : un prestataire se déplaçant dans un autre État membre afin d'exercer, de façon temporaire et occasionnelle, sa profession peut être soumis à des règles déontologiques de l'Etat membre d'accueil et, notamment, de celles relatives aux honoraires et à la publicité. L'État membre d'accueil peut prévoir soit une inscription temporaire intervenant automatiquement, soit une adhésion pro forma à une organisation professionnelle ou à un organisme professionnel, afin de faciliter l'application des dispositions disciplinaires
4. Jurisprudence civile
- Vétérinaire- liberté d'établissement - exercice professionnel dans deux pays - double cotisation annuelle
Cour de cassation, 1ère Civ, 16 avril 2015, Sturbois : "s'agissant de l'obligation de cotiser à deux ordres professionnels, l'article 13 de la directive relative aux services, qui détermine les conditions auxquelles doivent obéir les procédures et formalités d'autorisation des prestataires de services en matière de liberté d'établissement, prévoit, en son §2, que les charges qui peuvent découler de ces procédures et formalités pour les demandeurs doivent être raisonnables et proportionnées aux coûts des procédures d'autorisation et ne pas dépasser le coût des procédures ; qu'il résulte de la combinaison de l'art.13 §2, et de l'art. 14 §2, de la directive, que l'obligation de paiement d'une cotisation à l'ordre des vétérinaires n'est pas, en son principe, contraire à la liberté d'établissement, même si le vétérinaire est soumis à une obligation identique dans son Etat membre d'origine."
5. Textes non codifiés
- Conditions de reconnaissance d'un droit au séjour en France aux citoyens de l'UE et assimilés
directive 2004/38/CE du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres.