Il est temps de soulager rapidement la charge de travail des praticiens

Edito paru dans la revue de l'Ordre des vétérinaires n°82 - août 2022

Publié le


Les données démographiques 2022 confirment, s’il le fallait, la vive tension sur les ressources humaines vétérinaires. Challengés par le modèle prospectif établi en 2019, les chiffres arrêtés au 31 décembre 2021, indexés sur une hypothèse de croissance du marché de la santé animale de 8%, établissent un déficit de primo-inscrits au tableau d’un ordre de grandeur d’au moins 500 praticiens. Le déficit est essentiellement lié à l’exercice de la médecine et de la chirurgie des animaux de compagnie.

La pénurie de praticiens s’installe visiblement dans la durée malgré une hausse significative du nombre de vétérinaires inscrits au tableau. Ce constat est largement partagé parmi les Etats membres de l’Union européenne. Le besoin est tel que les capacités de formation nationales et européennes sont dépassées.  Au surplus, les pays « formateurs », l’Espagne et la Belgique, sont pour autant à la peine pour satisfaire la demande d’accès aux soins vétérinaires de manière homogène, sur tous les territoires, pour toutes les espèces.

A l’évidence la réponse arithmétique, bien que nécessaire, n’est pas suffisante. L’attractivité des territoires est une donnée tout aussi importante de la problématique des déserts vétérinaires. Cet enjeu, que les vétérinaires partagent avec les professions médicales, renvoie aux politiques publiques d’aménagement du territoire et à la nécessaire implication des collectivités territoriales, Régions, Départements, Communes et Communautés de communes.

En matière de santé animale, il s’agit de garantir l’accès aux soins pour tous les animaux, donc leur bien-être, en toutes circonstances, sur tout le territoire national. Il s’agit aussi de préserver l’excellence sanitaire du cheptel de la Ferme France, la sécurité sanitaire des aliments gage de la confiance des consommateurs et la qualité de la certification préalable aux échanges commerciaux sains, loyaux et marchands alors qu’une diversité de risques sanitaires parfois zoonotiques, voire de crises sanitaires sévères, s’invitent chaque année à l’agenda.

Je prends acte de la prise de conscience de la situation par le Ministère en charge de l’agriculture et des décisions initiées, dont la pleine puissance demande quelques années de latence pour être efficace et lisible. Cela étant, il est sans doute temps d’agir sur l’ensemble des leviers complémentaires de nature à soulager plus rapidement la charge de travail des praticiens. Autoriser les auxiliaires spécialisés vétérinaires sous conditions à réaliser certains actes vétérinaires est une réponse attendue. Autoriser la télémédecine est une autre réponse attendue. Préserver et valoriser le réseau de proximité de vétérinaires généralistes en exercice « mixte », capable de prendre en charge la diversité des espèces présentes sur un territoire donné est une réponse non seulement adaptée mais plus qu’essentielle. Ces compétences vétérinaires de proximité sont un bien précieux qui nécessite de la part des éleveurs, de l’Etat, et des collectivités locales, d’être préservé et accompagné en tant que maillon essentiel de la vie et de l’économie des élevages implantés dans chaque territoire.

La confiance se construit progressivement et sur la durée. La première étape est de savoir se dire mutuellement l’importance que chacun accorde à l’autre. La deuxième étape est sans doute de savoir poser la problématique dans toutes ses dimensions pour collectivement apporter des solutions humainement et économiquement pertinentes sur le court, moyen et long terme.