Déontologie, et après....
Edito paru dans la revue de l'Ordre des vétérinaires n°81 - mai 2022
« Dans le respect du principe fondamental et intangible de liberté du professionnel, l’indépendance du vétérinaire s’entend comme son obligation de se référer uniquement à ses connaissances scientifiques et à son expérience avec, comme objectifs indissociables, les intérêts de l’animal et de la santé publique ainsi que les intérêts des clients, sans que quiconque, à l’exception de raisons impérieuses d’intérêt général, ne commande aux vétérinaires leurs actes professionnels ».
C’est ainsi que l’Ordre des vétérinaires définit l’indépendance professionnelle, à l’issue d’un cycle de travaux conclu lors de son Congrès de décembre 2021 à Saint Malo. Il s’agit bien de poser un repère déontologique utile pour éclairer les vétérinaires alors que depuis maintenant quatre ans un débat, sinon un contentieux latent, brouille l’interprétation qui s’imposait jusqu’ici d’une valeur cardinale de notre profession.
J’évoque bien évidemment ici la prise de participation de tiers investisseurs n’ayant pas la qualité de vétérinaire au sein des sociétés d’exercice vétérinaire, mais aussi cette même prise de participation par des acteurs vétérinaires dont seule la capacité administrative à se prévaloir du titre de docteur vétérinaire est mise en avant, sans pour autant pouvoir être qualifié de vétérinaire exerçant.
Il y a bien plus qu’une paille entre la réalité des montages juridiques soumis au contrôle déontologique de l’Ordre des vétérinaires et la loi applicable en la matière. Les sociétés d’exercice vétérinaires ne sont pas des sociétés commerciales régies par le seul Code du commerce. Méconnaître les dispositions de l’article L 241-17 du Code rural et de la pêche maritime ainsi que les articles du Code de déontologie sous couvert d’appliquer la loi du commerce constitue ni plus ni moins une tentative de détournement de cette loi et des raisons impérieuses d’intérêt général qui justifient qu’un Etat membre institue dans le droit national des règles particulières applicables aux entreprises à missions.
Qu’il y ait débat entre la Commission européenne et la Cour de justice de l’Union européenne est une chose. L’application à droit constant de la loi est une autre chose qu’il revient à l’Ordre des vétérinaires, concernant le volet déontologique, de faire respecter.
C’est pourquoi l’Ordre des vétérinaires, fidèle aux missions que le législateur lui a confiées, est engagé dans un nombre important de contentieux administratifs et/ou disciplinaires à l’encontre d’une dizaine d’entités « tiers investisseurs » regroupant plusieurs centaines de sociétés d’exercice vétérinaires.
Les vétérinaires inscrits au tableau de l’Ordre des vétérinaires doivent être conscients des risques encourus et des conséquences en matière administrative - la radiation du tableau de l’Ordre - mais aussi disciplinaire - indépendance professionnelle, déclarations insincères, service à la clientèle assuré par des adjoints, conflits d’intérêt, ...
Les vétérinaires peuvent compter sur l’Ordre quant à sa capacité à faire face à l’afflux de dossiers, à prendre des décisions qui s’imposent en toute connaissance des lois et règlements applicables et à conduire les contentieux jusqu’à leur terme sans qu’il puisse lui être reproché de surajouter ou de surinterpréter la loi, tant au niveau national qu’au niveau européen.
Je ne peux que conseiller à chacun avant de s’engager de bien réfléchir aux conséquences à court, moyen et long terme en se faisant aider par des professionnels du Droit, tout en gardant un esprit critique et sa liberté de décider, donc en toute responsabilité.
La position du Conseil d’Etat est attendu. Qu’elle arrive maintenant au plus vite !